Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/501

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parus tout à coup à mes yeux épouvantés, guide-moi vers le Phase et la Scythie ; et toi, chaste Pallas, protége-moi : je donnerai cette toison à vos temples, et mon père environnera vos autels de bœufs aux cornes dorées, (1, 90) et d’agneaux aussi blancs que la neige. »

Les déesses agréent sa prière. Soudain traversant l’Empyrée, elles prennent chacune une route différente. Minerve vole en toute hâte à Thespies, près de son cher Argus ; elle lui ordonne de construire un vaisseau, et d’abattre des chênes ; elle-même le conduit dans les sombres forêts du Pélion. Junon répand dans toutes les villes de la Grèce et de la Macédoine le bruit que le fils d’Éson va tenter des mers inconnues, et que son vaisseau tout prêt se balance orgueilleusement sur ses rames, demandant des bras pour le mouvoir et l’immortaliser.

(1, 100) Tous brûlent de partir : ceux qui, chefs renommés, ont déjà fait leurs preuves aux combats ; ceux qui, dans la fleur de l’âge, n’ont pu se signaler encore et attendent leur coup d’essai ; ceux même que retiennent la culture et la charrue inoffensive, voient les Faunes, les divinités des bois, les Fleuves aux cornes élancées, leur apparaître en plein jour, les encourager, leur vanter ce vaisseau dont la louange retentit dans toutes les campagnes.

Bientôt Hercule est accouru d’Argos ; près de lui, le jeune Hylas porte gaiement et sans efforts sur ses épaules les flèches teintes des poisons enflammés de l’hydre, et l’arc du héros : (1, 110) mais c’est en vain (son bras plierait sous un pareil fardeau ) qu’il veut porter la massue. Pleine de dépit, la fille de Saturne les regarde partir, et renouvelle ainsi ses plaintes accoutumées :

« Plût aux dieux que l’élite tout entière de la jeunesse grecque ne courût pas d’elle-même à ces nouveaux hasards, mais qu’ils fussent ordonnés par mon Eurysthée ! Les tempêtes, la nuit, le redoutable trident m’eussent été des armes ; la foudre même, je l’eusse lancée malgré mon époux. Que cet Hercule du moins ne soit pas un des compagnons, le soutien peut-être de notre expédition ! Me fier à lui, devoir à cet orgueilleux un si haut service, c’est ce que je ne voudrai, ce que je ne pourrai jamais. »

(1, 120) Elle dit, et détourne les yeux vers les rivages de la Thessalie. Elle y voit les guerriers, ardents au travail, amener le bois de toutes parts. La rive résonne des coups habilement frappés de la hache ; Argus fend les pins en planches amincies, qu’il assemble et façonne en courbe à la chaleur d’un feu tempéré : les rames sont préparées, et Pallas cherche des antennes pour les attacher au mât. Bientôt le navire est achevé ; sa coque est pour longtemps impénétrable à l’eau ; ses fentes sont enduites de cire, et la déesse l’orne de diverses peintures. (1, 130) On y voit Thétis, trompée dans son espoir, conduite dans les bras de Pélée par le dauphin qui nage sous son précieux fardeau ; son voile retombe sur son visage ; elle soupire, en pensant qu’Achille ne naîtra pas plus grand que Jupiter. Panope la suit, et Doto sa sœur, et Galatée aux bras nus, qui s’ébat dans les flots, en regagnant sa grotte : du haut