Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/549

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des Bébryces, et que les Symplégades continuent à s’agiter dans leur océan désert. »

Comme il parlait encore, Jason, les deux Éacides, les enfants de Calydon, le fils de Nélée et Idas avant lui, tout ce qu’il y a là de plus intrépide, acceptent le défi. Mais déjà Pollux a découvert sa poitrine. Castor en est glacé de stupeur et d’effroi : ce qui attend Pollux, ce n’est pas ici, comme à Olympie, un combat sous les yeux d’un père, ni les applaudissements d’un amphithéâtre d’Œbalie, ni les coteaux aimés du Taygète, ni ce fleuve où il lavait sa poussière victorieuse ; (4, 230) ce n’est pas non plus un coursier ni un taureau qui est le prix de la lutte, mais la mort, mais la nuit des enfers. Amycus ne voyant rien d’effrayant dans la taille de Pollux, rien de farouche sur sa figure, qui portait à peine les signes de la première jeunesse, le toise d’un air moqueur, s’indigne de tant d’audace, et roule des yeux sanglants de rage. Tel était le géant Typhée, quand, se croyant déjà maître du ciel, il s’indignait de trouver Bacchus à la porte, et Pallas, au premier rang des dieux, armée des serpents de Méduse. « Qui que tu sois, » poursuit-il d’un ton qu’il veut rendre terrible, (4, 240) « hâte-toi, pauvre enfant ; tu ne garderas plus longtemps ce beau visage, ces traits délicats que ne verra plus ta mère. Quoi ! tes compagnons ont eu la sottise de te choisir ? et c’est toi qui mourras de la main d’Amycus ? » Soudain il dépouille ses larges épaules, sa vaste poitrine et ses membres sillonnés de muscles hideux. À cet aspect, les Argonautes pâlissent, et Pollux s’étonne. Ils regrettent, mais trop tard, de n’avoir plus Hercule, et regardent tristement les montagnes d’où il ne saurait revenir. (4, 250) « Vois, dit le fils de Neptune, ces cestes recouverts d’un cuir brut ; choisis et, si tu le peux, arme-toi. » Il dit, et, ignorant que son heure est venue, il donne pour la dernière fois ses mains à garnir à ses serviteurs. Pollux en fait autant. Une haine implacable surgit au cœur de ces deux athlètes jusque-là l’un à l’autre inconnus. Bouillants de fureur, le sang de Jupiter et celui de Neptune sont en présence ; chaque parti fait des vœux, regarde et se tait. Pluton permet aux ombres des victimes d’Amycus de sortir des enfers, et, protégées par un nuage, d’être témoins de son dernier combat. (4, 260) Une vapeur noire voile le sommet des montagnes.

Tout à coup le Bébryce, pareil à un tourbillon qui se précipite du promontoire orageux de Malée, laisse à peine à Pollux le temps de lever la tête et les bras, fait pleuvoir sur lui une grêle de coups, le presse d’assauts répétés, et le poursuit en tournoyant dans l’arène avec une rage infatigable. L’autre, attentif et défiant, la poitrine et les épaules effacées, va tantôt ici, tantôt là, tient sa tête en arrière, se dresse sur la pointe du pied, effleure le sol, s’esquive et revient. Comme un vaisseau surpris par la tempête en pleine mer, et guidé par la seule adresse du pilote, (4, 270) nargue les vents et surmonte sans péril la vague impétueuse ; ainsi le vigilant Pollux pare les coups et y sous-