Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/556

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se rejoindre avec un épouvantable fracas, et envahissent la mer qui se mêle à ce chaos de montagnes mobiles. Pourtant un ancien oracle s’offre à mon souvenir ; écoutez-le, il vous consolera, il raffermira vos espérances. Quand Jupiter irrité suscitait contre moi du fond des enfers les bruyantes et cruelles Harpyes, (4, 580) une voix frappa mes oreilles : "Dispense-toi, disait-on, d’inutiles prières ; ne demande pas, fils d’Agénor, que tes maux aient un terme. Quand un vaisseau pénétrera dans le Pont, que les rochers mouvants de cette mer seront immobiles, alors seulement tu pourras espérer le pardon de ton crime." Ainsi parla l’oracle. Or, ou tu franchiras heureusement le terrible passage, ou les sauvages Harpyes reviendront ici chercher leur pâture. Mais tu le franchiras ce passage, car tu en es digne ; et tu vogueras ensuite dans un large océan. La terre la plus proche est le royaume de Lycus, qui vient en ce moment de triompher (4, 590) des Bébryces. Nul, sur toute la côte du Pont, n’a l’âme plus généreuse que ce roi. Là, si le voisinage d’un air empesté fait périr un de tes compagnons, ne te laisse point abattre, souviens-toi de ma prédiction, et arme-toi de courage pour l’avenir. Là aussi, un autre Achéron roule ses eaux infectes sous des cavernes profondes ; de leur gouffre béant s’exhalent des tourbillons de vapeurs qui enveloppent les campagnes de sinistres ténèbres. Fuis ce fleuve odieux et les infortunés habitants de ses rivages ; toi-même tu ne les auras pas impunément dépassés. Que te dirai-je du promontoire de Carambis dont le sommet touche aux nues, du fleuve Iris, du port d'Ancon ? (4, 600) N’oublie pas que le Thermodon traverse les campagnes voisines. C’est là qu’habite l’illustre nation des Amazones, ces filles de Mars. Garde-toi bien de les traiter comme un vil troupeau de femmes ; elles ressemblent à Bellone quand elle fait trembler les mortels, ou à Minerve quand elle est armée de la tête de Méduse. Puissent les vents ne pas vous pousser sur ces redoutables rivages, alors qu’ivres de combats, elles bondissent en se jouant sur leurs poudreux coursiers, que la terre est ébranlée de leurs hurlements, et que Mars, agitant sa lance, les appelle aux armes. (4, 610) Non moins redoutables, quoique plus féroces, sont les Chalybes, infatigables colons d’un sol ingrat, et dont les demeures retentissent sans cesse du bruit des marteaux qui tonnent sur des blocs enflammés. Plus loin et tout le long de la côte sont des rois sans nombre, étrangers aux devoirs de l’hospitalité. Mais passe outre, cède au vent, et vogue sans t’arrêter jusqu’au Phase. Cependant la Scythie est partagée en deux camps, et la vengeance arme deux frères l'un contre l’autre. Là tu seras l’allié de tes féroces ennemis, les Colchidiens ; après quoi tout danger aura cessé pour vous. (4, 620) Peut-être même enlèveras-tu cette toison tant désirée ; mais n’espère pas y parvenir par ton seul courage ; l’adresse est souvent plus puissante que la force. Un dieu t’offrira son aide,