Page:Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/567

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dienne de la pudeur de la jeune fille, et naguère protectrice de son enfance, l’entend, et la rassure par ces paroles : (5, 360) « Il ne s’agit pas ici de craintes, de menaces, ni de violences ; les manteaux que je vois reflètent l’éclat de la pourpre étrangère, mais je vois aussi des bandelettes, et l’olivier symbole de la paix. Ce sont des Grecs ; tout en eux rappelle le Grec Phrixus. »

Elle dit. Junon cependant revêt d’un nouveau lustre et de tout l’incarnat de la jeunesse la mâle figure de Jason, dès longtemps altérée par les soucis et par les fatigues. Il dépasse de toute la tête Mopsus, Talaüs et les deux Tyndarides au front étoilé. Tel, aux approches de l’automne, embrasant l’atmosphère (5, 370) et incendiant les nuits, le Sirius, à la crinière dorée et rayonnante, fait pâlir l’astre d’Arcas et celui de Jupiter même, bien que les campagnes, que les fleuves dont les eaux sont brûlantes jusqu’à leurs sources, voudraient qu’il modérât son ardeur. Médée, non encore revenue de son étonnement et de son effroi, ne laisse pas de ralentir sa marche, et d’admirer le noble extérieur du héros ; tandis que Jason, sans voir la troupe obscure des femmes qui la suivent, n’a de regards que pour Médée. Bientôt il reconnaît en elle une maîtresse, une reine.

« Si vous êtes, dit-il, l’une de ces déesses qui font l’ornement de l’Olympe, (5, 380) cet air, ces flambeaux me font croire que je vois Diane elle-même, qui s’est débarrassée de son carquois pour prendre quelque repos, et que guident les Nymphes du Caucase vers leur fleuve paternel. Si vous êtes habitante de la terre et fille de ce pays, heureux votre père, plus heureux celui qui obtiendra votre main, et qui unira pour longtemps sa destinée à la vôtre ! Cependant, ô reine, protégez-nous. Nous sommes des étrangers, les plus nobles enfants de la Grèce, venus sur ces côtes à la recherche de votre pays : menez-nous, je vous prie, à votre roi, quel qu’il soit ; ou bien indiquez-nous les lieux, les moments les plus favorables pour conférer avec lui. (5, 390) Sans doute qu’un dieu, pour me tirer d’inquiétude et de peine, vous a conduite vers moi, et c’est en vos mains que je remets notre espoir et nos destinées. »

Il dit, reste immobile et attend. Médée, surmontant peu à peu sa timidité et sa crainte, lui répond : « Celui que vous demandez est Éétès, mon père ; la ville est près d’ici : mais de ces deux chemins, pourrez-vous distinguer le meilleur ? Prenez donc celui que va vous indiquer cette femme ; des camps, un ennemi parricide interceptent l’autre. »

À ces mots, elle reprend sa marche vers le fleuve, et là elle offre à la Nuit, mère des funestes songes, un inutile sacrifice.

(5, 400) Jason, guidé par l’esclave, hâte le pas. Junon l’enveloppait d’un nuage, pour qu’il fût invisible et que personne n’allât prévenir Éétès de son arrivée. Il traversait inaperçu la ville et le peuple, quand son guide l’arrête et lui dit : « Voici le temple du Soleil. Le roi va bientôt se rendre dans le sanctuaire de ce dieu dont il est le fils : c’est là qu’accessible à tous, il écoute les prières des grands et des peuples ; la présence de son père l’avertit d’être juste. »

Les Argonautes entrent aussitôt, et, dès le seuil