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recherchée dans les modifications qu’a subies la structure sociale du monde du travail au cours des dernières décades, notamment par suite de la guerre de 1914, de la crise de 1929 et de la dernière conflagration mondiale.

L’observation de la réalité nous oblige ainsi à constater que la dialectique de l’histoire a renversé, sur ce point, la position de Rosa Luxembourg quant aux rapports entre la masse organisée dans les partis et la masse inorganisée. Dans la mesure où les partis ont une structure totalitaire et où leurs adhérents acceptent cette structure et s’en accommodent, la masse organisée tombe au niveau de la masse amorphe qui reste en marge de l’organisation, et les organisés perdent le droit de prétendre à la prééminence sur les inorganisés.

La France et l’Europe ne sont pas encore à l’abri d’une nouvelle expérience totalitaire. Après la défaite du totalitarisme fasciste, un autre totalitarisme nous menace. Mais la démocratie et les partis qui s’en réclament réellement et sincèrement ne pourront résister avec succès à cet autre péril totalitaire que s’ils commencent par extirper les dernières traces du virus totalitaire en leur propre sein, et par s’interdire toute compromission avec les ennemis de la liberté. Et si l’on nous dit que le parti communiste est « quand même » un parti ouvrier, nous répondrons que le parti nazi lui aussi s’intitulait « parti ouvrier » et qu’il comptait même des millions d’ouvriers authentiques dans ses rangs, des ouvriers authentiques mais égarés, comme ceux du parti communiste. Et pourtant aucun parti se réclamant du socialisme n’aurait jamais songé à envisager l’unité avec les nazis. Par contre, le Parti communiste allemand a réalisé plus d’une fois le front unique avec les hitlériens… contre la social-démocratie au pouvoir. L’aurait-on oublié ?

Paris, juin 1946.