Page:Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 1 1868.djvu/193

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— Salut, à vous, mon maître, ma démarche a été
Un peu désagréable, j’ai été promptement repoussé :
C’est une honnête fille, et avec une seule parole
Elle a su me contenter et me faire retourner sur mes pas : —

— Pour être sur la lande à garder mes moutons,
Je ne vais pas, dit-elle, à la suite des Français !
Pour être sur la lande à chanter,
Je ne vais pas ainsi à la suite des passants. —

— Les Français ont des jambes et les passants aussi.
Et je vais moi-même lui parler. —
— Bonjour, jeune fille ; vous parlez de façon fort arrogante,
Pour une fille qui garde les moutons sur la lande !

J’avais envoyé quelqu’un pour vous parler.
Et vous lui avez répondu impertinemment, vous l’avez congédié ;
Rappelez-vous bien, jeune fille, le jour d’aujourd’hui.
Vous me reverrez, quand vous y songerez le moins ! —

II

— Je vois venir par la lande deux cavaliers ;
Depuis longtemps mon cœur était dans l’appréhension ;
Je vois venir l’heure où je serai mise à mort :
Mais sur ma pauvre âme ils n’ont aucun pouvoir !

Je vais me mettre à genoux
Pour réciter mon chapelet, le plus dévotement que je pourrai ;
J’ai choisi Jésus pour mon rédempteur,
J’ai choisi Jésus pour mon protecteur. —

— Détournez-vous, jeune fille, détournez vous de bon cœur,
Quelqu’attentive que vous soyez à votre prière. —
— J’ai choisi Dieu pour mon rédempteur,
J’ai choisi Dieu pour mon protecteur. —

Elle fut conduite à la cour, pour être interrogée,
Pour savoir d’où elle était et d’où elle était venue.
Elle leur dit, sans hésiter,
Comment on l’appelait, sur le champ :

— Je suis fille d’un grand ministre, maître de la loi.
Son nom était Elizac, quand il vivait :
Oui, je suis la fille d’Elizac, je ne le cache point.
Et je l’ai quitté pour servir Dieu —

Elle fut plongée dans un étang, jusqu’aux hanches ;
Elle y chantait comme une reine.
Mais un jour on vit descendre.
Visible au peuple, une colombe blanche vers elle

Quand le seigneur vit qu’elle ne mourait point.
Il donna l’ordre de dessécher l’étang ;
Il donna l’ordre de dessécher l’étang.
Et on la jeta dans la caverne d’un serpent, pour être dévorée !