Page:Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 1 1868.djvu/519

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  Il faut bénir les champs,
Pour mettre une partie des cadavres ;

  Il faut bénir les croix,
Pour arrêter la Mort ! —

III

  Au bourg de Gourin, sur une nappe blanche,
Fut écrit le gwerz de la Peste ;

  Une jeune demoiselle le chantait,
Un jeune clerc écrivait.


Chanté par Marguerite, femme de 70 ans,
dans la commune de Plomeur (Finistère) au mois de juin 1868.



le pays de Léon, que cette paroisse fut cruellement éprouvée par le fléau en 1626 et 1627. M. Miorcec de Kerdanet a inséré à la page 166 de son édition des Vies des Saints de Bretagne, d’Albert Le Grand, imprimée en 1837, deux ans avant le Barzaz-Breiz, quelques extraits d’un gwerz qui fut composé à cette occasion. En voici une copie littérale :

  E Plouescat er plaç marc’hat,
E cafet a yaod da falc’hat,
  Nemet en entre bian d’ar c’har,
Da gaç ar c’horfiou d’an douar.
  Leun an ilis beteg au treusiou,
Hag ar veret beteg ar muriou.
  Red eo benissien ar parc bras,
Da lacat oll bian ba braz.
  E Plouescat ne ve cavet
Eur paotric da sivoal an deved,
  Nemet eur paot trivac’h vloaz,
Goret ar vossen en e skoaz.


  A Plouescat, sur la place du marché.
On trouve de l’herbe à faucher,
  Si ce n’est dans l’étroite ornière de la charrette
Qui porte les cadavres en terre.
  L’église est pleine jusqu’aux seuils,
Et le cimetière, jusqu’aux murs.
  Il faut bénir le grand champ,
Pour mettre tout le monde, grands et petits.
  A Plouescat on ne trouverait
Un jeune garçon, pour garder les moutons.
  Si ce n’est un jeune garçon de dix-huit ans,
Qui a la peste apostumée dans l’épaule.


Le gwerz de la Peste d’Elliant me parait être contemporain de celui de la Peste de Plouescat. C’est la même langue, la même inspiration. Je ne vois aucune bonne raison qui puisse autoriser à lui assigner une date plus ancienne. Ce chant est inconnu dans la paroisse d’Elliant, où la tradition d’une peste qui aurait ravagé la contrée est cependant bien vivante. En revanche il est très-répandu dans les Montagnes-Noires, à Chateauneuf, Laz, Ploanevez-du-Faou, etc., et aussi dans les montagnes d’Aré, où je l’ai retrouvé, notamment dans la paroisse de Berrien.