Page:Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 2 1874.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 9 —

  Elle est accouchée il y a deux ou trois ans,
Et l’on accuse le valet d’écurie :

  Elle a mis au monde un fils beau comme le jour,
Si bien que l’on dit qu’il est fils d’un prince ou d’un roi :

  Et elle l’a tué, hélas ! pour son malheur ;
Et elle l’a tué, sans avoir reçu le baptême ! —

III

  La vieille dame disait, dans sa chambre, à sa fille ainée :
— Seigneur Dieu, ma fille, que faire ?

  — Prenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs.
Et allez à mon comptoir, choisir des parures ;

  Apportez mes plus beaux habits,
Et habillez-en ma plus jeune sœur. —

  — Bonjour à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux.
Il y a bien longtemps que nous ne nous étions vus. —

  — À vous pareillement, dit-il, demoiselle bien parée.
Vous n’êtes pas celle à qui j’avais promis ;

  N’était mon respect pour la maison de votre mère et de votre père,
J’aurais lavé mon épée dans votre sang !… —[1]

  La vieille dame disait, dans la chambre, à sa fille ainée.
— Seigneur Dieu, ma fille, il y a désolation ici !

  Seigneur Dieu, ma fille, il y a désolation ici.
Votre plus jeune sœur a été refusée par lui ! —

  — Prenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs,
Et allez à mon comptoir, choisir des parures ;

  Apportez-moi ma plus belle robe de soie,
Afin que je sois propre et mince pour paraître devant lui ;

  Apportez-moi mon habit de drap de ral (1)[2],
Car je vais, hélas ! à la mort, en ce moment….

  — Bonjour à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux,
Il y a bien longtemps que nous ne nous étions vus. —

  — À vous pareillement, dit-il ; qu’est-il donc arrivé ?
À votre teint, on dirait que vous avez eu des enfants ? —

  1. Ces deux vers se trouvent encore dans le gwerz — LES DEUX FRÈRES, 1er vol. page 200 — à la fin de la pièce.
  2. (1) Je ne sais comment traduire ce DRAP DE BAL du texte breton. Il doit y avoir altération.