Elle est accouchée il y a deux ou trois ans,
Et l’on accuse le valet d’écurie :
Elle a mis au monde un fils beau comme le jour,
Si bien que l’on dit qu’il est fils d’un prince ou d’un roi :
Et elle l’a tué, hélas ! pour son malheur ;
Et elle l’a tué, sans avoir reçu le baptême ! —
La vieille dame disait, dans sa chambre, à sa fille ainée :
— Seigneur Dieu, ma fille, que faire ?
— Prenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs.
Et allez à mon comptoir, choisir des parures ;
Apportez mes plus beaux habits,
Et habillez-en ma plus jeune sœur. —
— Bonjour à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux.
Il y a bien longtemps que nous ne nous étions vus. —
— À vous pareillement, dit-il, demoiselle bien parée.
Vous n’êtes pas celle à qui j’avais promis ;
N’était mon respect pour la maison de votre mère et de votre père,
J’aurais lavé mon épée dans votre sang !… —[1]
La vieille dame disait, dans la chambre, à sa fille ainée.
— Seigneur Dieu, ma fille, il y a désolation ici !
Seigneur Dieu, ma fille, il y a désolation ici.
Votre plus jeune sœur a été refusée par lui ! —
— Prenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs,
Et allez à mon comptoir, choisir des parures ;
Apportez-moi ma plus belle robe de soie,
Afin que je sois propre et mince pour paraître devant lui ;
Apportez-moi mon habit de drap de ral (1)[2],
Car je vais, hélas ! à la mort, en ce moment….
— Bonjour à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux,
Il y a bien longtemps que nous ne nous étions vus. —
— À vous pareillement, dit-il ; qu’est-il donc arrivé ?
À votre teint, on dirait que vous avez eu des enfants ? —