Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 1, 1881.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seigneur alla jusqu’à lui et vit, avec étonnement, qu’il avait mis à découvert un bras d’homme. Il courut au château prendre une pelle et une pioche, et déterra un homme tout entier, qu’il reconnut facilement pour être son pauvre. Par un miracle de Dieu, il n’était pas encore mort ! Il le chargea sur ses épaules et le transporta au château. Il le coucha dans un bon lit, dans la chambre d’un pavillon isolé, et n’en dit rien à personne. Tous les jours, il lui préparait lui-même à manger et passait presque tout son temps près de lui.

Un jour, le seigneur voulut donner un grand dîner dans son château, et il y invita toute la noblesse du pays. Quand tous les convives furent placés à table, il sortit et revint, un instant après, tenant son pauvre par la main, et il le fit asseoir à côté de lui. Quand la dame vit cela, elle devint tout d’un coup aussi blanche que la nappe qui était devant elle, puis elle se leva de table et sortit de la salle, toute troublée. D’autres dames, la croyant indisposée, la suivirent. Mais son mari ne s’en émut pas : il était tout occupé à servir son pauvre.

— Que désirez-vous manger ? lui demanda-t-il ; je veux vous servir moi-même.

Un grand poisson était là, sur un plat d’argent, et le pauvre dit, en le montrant du doigt :

— Je mangerais volontiers de ce poisson.