Page:Luzel - Légendes chrétiennes, volume 2, 1881.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tège prit le chemin de l’église paroissiale, et, tout le long de la route, Kerglaz croyait toujours voir le pendu et son gibet devant lui, et à l’église, durant la messe, il était encore entre lui et sa fiancée ; mais lui seul le voyait. Après la bénédiction des anneaux, ce fut encore le pendu qui passa au doigt d’Yvonne l’anneau qu’il lui avait acheté, lui Kerglaz.

On revint à la maison de la nouvelle mariée, violons et fifres précédant le cortège, et les gens de la noce tirant des coups de pistolet, tout le long de la route. Le nouveau marié était toujours soucieux et pâle, et tout le monde s’en étonnait. Quand l’heure fut venue de se mettre à table, au moment où il allait s’asseoir à côté d’Yvonne, il crut voir encore à sa place le pendu à son gibet, horrible, tout sanglant, les yeux mangés dans leurs orbites par les corbeaux, le ventre ouvert et laissant échapper ses entrailles par une large plaie où grouillaient des vers hideux. Il poussa un cri effrayant et tomba à terre, comme un cadavre. On s’empressa autour de lui, on le porta sur un lit, et on rassura les convives, en leur disant que ce n’était qu’une légère indisposition.

Le festin n’en fut pas troublé davantage, et à mesure que les pots de cidre et les bouteilles de vin se vidaient, les conversations devinrent bruyantes, les voix s’élevant graduellement, et on