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de conduire ses vaches au pâturage, trouva sur la route le corps d’un homme mort. C’était celui d’un marchand, qui avait été à une foire à Guingamp et que des voleurs avaient assassiné pour lui enlever son argent. L’ermite l’avait vu tuer, du seuil de son habitation ; mais, comme il était en prière et qu’il avait fait vœu de ne jamais s’interrompre ni se laisser distraire, pour quelque motif que ce fût, quand il priait, il n’avait pu lui porter aucun secours. D’un autre côté, les ermites ne peuvent dénoncer personne, de même que les prêtres ne peuvent révéler le secret de la confession[1].

Le fermier s’arrêta près du cadavre pour l’examiner et voir s’il l’avait connu, quand il était en vie. Mais, en ce moment, arrivèrent des archers de Guingamp qui, le prenant pour l’assassin du marchand, l’arrêtèrent et le conduisirent en prison, malgré ses protestations.

Le vieil ermite vit encore tout cela du seuil de sa hutte, et il regretta d’être obligé de garder le silence ; mais il fut tellement indigné qu’il s’écria :

— Eh bien ! Dieu n’est pas juste, s’il laisse punir le fermier de Kérisec’h pour un crime qui

  1. Je reproduis scrupuleusement le récit de ma conteuse, mais je doute que les solitaires d’autrefois fissent réellement de semblables vœux.