Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/103

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jouer, et une fois qu’on est au jeu, on ne sait jamais bien quand on finira. Nous jouions le brelan. Je perdais, et je m’entêtais d’autant plus, et mon frère le notaire, qui m’attendait pour retourner à la maison, finit par s’impatienter et partit, seul, vers minuit. Il faisait bien froid, il gelait dur, et la nuit était claire. À peine était-il sorti du ravin de Goazcado, qu’il entendit le son d’une clochette, à côté de lui, dans le champ qui bordait le chemin. Il ne s’en inquiéta pas, pensant que c’était un mouton ou une vache égarée, et poursuivit sa route. Bientôt il quitta la grande route, et prit à travers champs un sentier qui devait le conduire au moulin du Pontmeur. La clochette semblait le suivre, et résonnait toujours à côté de lui ; mais, il ne voyait rien. Plusieurs fois, il regarda derrière les buissons, et les talus où il croyait entendre le son ; il n’apercevait ni mouton, ni vache, ni rien autre chose qui pût occasionner ce bruit. Cela lui paraissait bien extraordinaire, et, tout en se disant que ses oreilles tintaient, apparemment, il ne laissait pas d’avoir quelque peur. Enfin, il arriva à Guergarellou, sans encombre, se coucha aussitôt, dormit bien, et le lendemain, il ne pensait plus à la clochette de Goazcado, jusqu’au moment où je racontai ce qui m’était arrivé à moi-même. Or, voici ce qui m’était arrivé.

Notre jeu finit enfin, vers trois ou quatre heures du matin. Nous nous séparâmes, et chacun s’en alla dans sa direction ; les deux