Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/121

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pêcheur, et il n’y eut ni plaintes, ni larmes, contre l’habitude.

Le lendemain matin, Kaour Gorvan partit en mer de bonne heure, pendant que sa femme et ses enfants allaient en ville, pour vendre le poisson de la veille. Ceux-ci s’en revinrent, le soir, les poches lourdes de gros sous et apportant du pain blanc, un peu de viande et une bouteille de vin, toutes choses dont on n’avait vu depuis longtemps dans leur cabane. Kaour arriva aussi avec son bateau, encore rempli à couler bas, comme la veille.

Tous les matins, à présent, le vieux pêcheur allait en mer avec son fils aîné, et la femme et les deux autres enfants allaient vendre le poisson, à Morlaix ; et tous les soirs, ils rentraient, les uns avec le bateau plein de poissons, et les autres avec leurs poches pleines d’argent. De cette façon, Kaour se trouva être à l’aise, et même riche, en peu de temps. Et ce qui paraissait extraordinaire à tout le monde, c’est que les autres pêcheurs du pays ne prenaient plus rien. L’on en causait partout, et l’on croyait communément que Kaour avait quelque secret magique pour attirer le poisson dans ses filets et les éloigner de ceux des autres. Quelques-uns disaient même qu’il fallait qu’il eût vendu son âme au diable, pour avoir tant de chance. Enfin, il n’y avait pas de supposition qu’on ne fît.

Les trois fils, qui avaient alors de douze à quinze ans, furent envoyés à l’école, avec les