Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/205

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découpait. Mais, ses orbites étaient creuses et sans regard, ses dents déchaussées dans leurs alvéoles, le nez était en trèfle, le front luisant, une vraie tête de mort enfin, en tout pareille à celles qu’on voit aux ossuaires des cimetières. Je restai immobile comme une statue. Bientôt l’apparition me parla ainsi, d’une voix calme et dolente :

— Ne craignez rien, ma fille ; je suis votre tante, venue vous demander un service, un grand service ! C’est dans deux jours, dimanche prochain, le pardon de Notre-Dame de Compassion de Saint-Carré[1]. Je vous prie d’y assister avec dévotion, avec recueillement et piété, depuis le lever jusqu’au coucher du soleil. Vous entendrez trois messes et suivrez trois processions. Vous serez malade, pendant ces messes ; mais, quelles que puissent Être vos souffrances, restez toujours dans l’église, et ne permettez pas qu’on vous porte dehors. Vous recevrez aussi, des mains de la petite Annaïk, deux sous, que vous déposerez dans le plat de la Vierge, pendant la quête ; enfin, vous jeûnerez, depuis ce moment jusqu’à dimanche après les trois messes entendues. Ferez-vous bien tout cela, ma fille ? me demanda-t-elle, d’un ton très-triste ?

Moi, j’étais restée comme pétrifiée, et ce ne

  1. Notre-Dame de Compassion de Saint-Carré, un lieu de pèlerinage très-fréquenté, se trouve dans la commune de Lanvellec, arrondissement de Lannion.