Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/267

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toute sorte. Tout le pays y fut convié, les pauvres comme les riches. O les franches lippées ! Il n’y manquait : ni bouillie, ni patates, ni choux, ni panais. On voyait des lièvres écorchés et rôtis courir de tous côtés, avec du poivre et du sel dans les oreilles, de la moutarde dans le derrière, à la queue des morceaux de papier sur lesquels était écrit : — attrape qui pourra ! — Ils avaient sur le dos des couteaux et des fourchettes en croix, libre à chacun de couper le morceau de son choix, s’il le pouvait. Moi, j’étais par là aussi, quelque part. Je vis passer près de moi un de ces lièvres, et je courus après lui. Mais, j’avais des sabots aux pieds, et je tombai sur le nez. Tonnerre de Brest ! m’écriai-je, comme ces lièvres rôtis sont des bêtes qui courent vite ! Je ne veux plus courir après. Je vais au château, pour voir si je trouverai autre chose qui ne coure pas.

Quand j’entrai dans la cuisine : — C’est donc vous, Guillaume Garandel ? me dit la cuisinière. — Oui, sûrement, belle cuisinière, répondis-je (elle était pourtant bien laide ! ) — Venez ici, tourner la broche, et vous aurez aussi quelque chose, tantôt. La soif me prit, auprès du feu. Le maître cuisinier sortit un moment. Je me mis aussitôt à boire du vin avec une écuelle. Me voilà ivre-mort, auprès du feu, et de crier : — Comment ! un homme comme moi, est-ce bien ici qu’il devrait être, à tourner la broche ? Ma place est à table, à