Page:Luzel - Veillées bretonnes, Mauger, 1879.djvu/302

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— jadis, dans son temps, les greniers plus remplis — et les automnes donner des récoltes plus abondantes.

(Elle prétend) que le temps et les hommes sont changés, — et qu’on ne suit plus les coutumes de son jeune âge. — Marie sourit, en l’entendant, et sur son charretier — elle jette, en rougissant, un regard plus tendre.

Puis, le tailleur, accroupi sur son paillasson : — « Personne ne parle donc de la fille d’Allain Perc’henn ? — Elle était, dimanche, au bourg, au comble de la joie, — bien portante et gaie comme un poisson, et tout de neuf habillée.

« Ce n’était pourtant pas une fleur, car Louis, son tailleur, — n’a pas une bonne coupe et ne sait pas son métier. — À peine de retour chez elle, la voilà de trembler : — trempée de sueur, la fièvre la prit.

« Sa tête est lourde, ses yeux sont clos, — et son teint est déja couleur de terre : — le recteur lui a donné l’absolution, avant la nuit, — et depuis, elle n’a pas repris connaissance.

« D’après ce que j’ai entendu et bien vu, — avec mes deux oreilles et mes deux yeux, — elle n’en reviendra pas. Hier soir, après mon souper, — j’entendis clairement un fantôme qui sonnait ses petites cloches.

« Puis, je vis une charrette garnie de linceuls blancs, — et je reconnus bien les bœufs d’Allain Perc’henn (qui y étaient attelés). — Mes cheveux se dressèrent d’effroi et d’épouvante. —