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RIENZI.

réflexions. Il entra en grande hâte, et sur son front était ce sombre froncement de sourcils que jamais personne ne voyait sans trembler.

« Comment, belles dames ! dit-il en promenant autour de la salle un coup d’ail rapide, vous ne nous avez pas encore désertés ? Par la croix du Sauveur, vos honorables époux nous font honneur en nous laissant d’aussi aimables otages ; s’ils ne sentaient pas ce sacrifice, vrai Dieu ! ce seraient des maris ingrats. Ainsi, madame, et il se retourna brusquement pour regarder en face la femme de Gianni Colonna : Votre mari s’est enfui à Palestrina ; le vôtre, signora Orsini, à Marino ; le vôtre aussi, belle compagne de Frangipani. Vous êtes venue ici pour… Mais vous êtes sacrée pour moi, ne craignez pas même de ma part une parole déplaisante. »

Le tribun s’arrêta un instant : il s’efforçait évidemment d’étouffer son émotion. En remarquant la terreur qu’il avait excitée, son regard tomba sur Nina qui, oubliant son injure récente, le regardait elle-même avec un étonnement plein d’anxiété.

« Oui, lui dit-il, vous êtes peut-être la seule de cette belle réunion qui l’ignoriez : les nobles que j’ai récemment tirés de la griffe du bourreau se sont parjurés encore une fois. Ils ont quitté leurs maisons au milieu de la nuit, et déjà les hérauts les proclament traîtres et rebelles. Rienzi ne pardonne plus !

— Tribun, s’écria la signora Frangipani qui avait plus de sang hardi dans les veines que toute sa famille, si j’étais de ton sexe, ces noms de traître et de rebelle donnés à mon seigneur et maître, je te les ferais rentrer dans la gorge ! Mais, orgueilleux que tu es, c’est le pape qui s’acquittera bientôt de cet office.

— Votre seigneur et maître a là une vraie colombe, belle dame, dit le tribun d’un ton dédaigneux. Mesdames, ne craignez rien : tant que Rienzi vivra, la femme de son