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RIENZI.

« Mon fils ! mon fils ! criait-il, ils l’ont assassiné ! puis, il s’arrêta brusquement, irrésolu, et enfin ajouta : Mais je veux le venger ! » Puis il se retourna pour piquer des deux et revenir se lancer à travers l’arcade : alors une énorme machine de fer, sous forme de herse, descendit subitement sur le malheureux père, et écrasa d’un seul coup sur le sol et l’homme et le cheval, ne faisant plus du coursier et du cavalier qu’une masse confuse, mutilée, sanglante !

Le vieux Colonna, à ce spectacle, ne pouvait en croire ses yeux ; avant que sa troupe fût revenue de sa stupeur, la machine se releva, et l’armée plébéienne se précipita en passant sur le cadavre. Milliers par milliers, les Romains s’élançaient, semblables à un torrent déchaîné, bruyant, mugissant. Ils se jetèrent de tous côtés sur leurs ennemis, qui, rangés selon les lois d’une solide discipline et complètement équipés et cuirassés, soutinrent leur choc et brisèrent leur charge.

« Vengeance et les Colonna ! À l’Ours et aux Orsini ! Charité et les Frangipani[1] ! Frappez pour le serpent et les Savelli[2] ! « Ces clameurs retentirent alors dans les airs, mêlées au cri enroué des Allemands : « Vivent les bourses pleines et les trois rois de Cologne ! » Les Romains, plus féroces que disciplinés, tombaient égorgés en masse autour des rangs des mercenaires, mais à celui qui succombait en succédait un autre, et c’était toujours avec une même ardeur qu’ils répondaient par le cri de : « Rome, le tribun et le peuple ! Spirito Santo, cavaliere ! » Exposé à tous les traits et à tous les glaives par son diadème emblématique et son vêtement impérial, l’ardent Rienzi menait toutes les attaques, maniant une énorme hache d’armes, dont les Italiens se servaient avec une adresse

  1. Ils avaient emprunté leur devise à un ancêtre fabuleux qui, en temps de famine, avait partagé son pain avec un mendiant.
  2. Le lion était cependant l’animal que s’arrogeait ordinairement dans le blason la vanité des Savelli.