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RIENZI.

nous semble qu’autrefois nous n’avions pas tant de mal à vous faire sourire.

— Les positions sont changées, tribun, depuis le temps où vous étiez mon convive.

— Mais, pas trop. Je me suis élevé, c’est vrai, mais vous n’êtes point déchu. Vous marchez dans les rues, nuit et jour, en toute paix et sécurité ; vos vies sont à l’abri des brigands ; vos palais n’ont plus besoin de barrière ni de créneaux pour vous protéger contre vos concitoyens. Je me suis élevé, mais nous nous sommes élevés tous, d’un désordre barbare à une vie civilisée ! Seigneur Gianni Colonna, vous que nous avons fait capitaine de la campagne de Rome, vous ne refuserez pas de vider une coupe en l’honneur du Bon État, et vous ne croirez pas que ce soit manquer de confiance en votre valeur, si nous nous félicitons que Rome n’ait pas d’ennemis pour mettre à l’épreuve votre talent de général.

— Je crois, dit brusquement le vieux Colonna, que de Bohème et de Bavière il nous viendra bien assez d’ennemis avant que les blés soient poussés.

— Et, dans ce cas, répliqua d’un ton calme le tribun, une guerre étrangère vaut mieux qu’une guerre civile.

— Oui, si nous avons de l’argent au trésor, ce qui n’est guère probable, pour peu que nous ayons encore beaucoup de fêtes pareilles.

— Vous n’êtes pas gracieux, monseigneur, dit le tribun, et vous faites en cela moins d’honneur encore à Rome qu’à nous-même. Quel citoyen ne sacrifierait pas son or à la gloire et à la liberté ?

— J’en connais bien peu à Rome qui soient disposés à le faire, répliqua le baron. Mais dites-moi, tribun, vous qui êtes un casuiste distingué, qu’est-ce qui vaut mieux pour un État, que l’homme qui le gouverne soit excessivement économe ou excessivement prodigue ?