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RIENZI.

mode, de prévenir la contagion), et murmurait à ses enfants que la faim faisait gémir :

« Oui, oui, vous aurez de quoi manger ! La nourriture ne manque pas, il ne s’agit que d’aller la chercher. Mais, hélas ! comment aller la chercher ? et elle regardait tout autour d’elle de peur qu’il n’y eût là tout près quelque malade.

— Madame, lui dit-il, pourriez-vous m’indiquer le couvent de…

— Arrière, monsieur, arrière ! cria de toutes ses forces la femme.

— Hélas ! dit Adrien avec un triste sourire, ne voyez-vous pas bien que je ne suis pas en état de propager la contagion ?

Mais la femme, sans prendre garde à lui, continua de se sauver après avoir fait quelques pas ; elle fut arrêtée par l’enfant qui la tenait par sa robe.

« Mère ! mère ! s’écria-t-il, je suis malade, je ne puis plus marcher. »

La jeune femme s’arrêta, ouvrit brusquement la robe de l’enfant, aperçut sous le bras la tumeur fatale, et, abandonnant sa propre chair, s’enfuit avec un cri déchirant à travers la place. Ce cri résonna longtemps aux oreilles d’Adrien, quoiqu’il n’en soupçonnât pas le motif dénaturé ; ce n’était pas pour son enfant, c’était pour elle-même que craignait la mère. La voix de la nature n’était pas plus écoutée dans cette ville transformée en charnier qu’elle ne l’est au fond même du tombeau ! Il marcha d’un pas plus pressé, et finit par arriver devant une majestueuse église ; les portes en étaient ouvertes à deux battants ; là il vit au dedans une réunion de moines (l’église ne renfermait point d’autres adorateurs, et ils étaient masqués) groupés autour de l’autel et chantant le Miserere, Domine ; les ministres du Seigneur, dans une cité qui jusqu’ici se vantait d’avoir la popu-