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JULES BLOCH
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VOYELLES

À en juger par les transcriptions du Périple, remarquablement fidèles, sauf pour les finales, qui sont souvent de fantaisie, le système vocalique ancien était peu atteint à la fin du ier siècle.

A, bref ou long, est presque toujours noté par α. Ex : Βαράκη, Δακιναβάδης, Ἀστάκαπρα, Συραστρηνή, Σούππαρα, Τάγαρα, etc. Cette transcription s’oppose remarquablement à l’usage de Mégasthène, qui emploie aussi ε et ο , sans raison discernable ; et elle est une garantie de plus de la correction des formes du Périple. Il y a deux exceptions : la première ne fait que confirmer la règle, car Ταπροβάνη n’est, l’auteur du Périple nous en prévient lui-même, que le nom ancien de l’île de Ceylan, et par conséquent pas celui qu’il a entendu[1]. L’autre est plus embarrassante : il n’est pas douteux que Καλλίενα ne représente Kalyāṇa ; faut-il admettre qu’ici le manuscrit est incorrect[2] ? L’expression καλλεανὸς λίθος semble bien renfermer, et sous la forme qu’on attendait, le même mot Kalyāṇa. Quant à Μομβάνου, il est difficile de le prendre en considération : l’identification de ce nom avec Nahapāna n’est pas sûre, et d’ailleurs ce nom de Nahapāna n’est pas indien[3].

    vaisseau de bois ». Le passage de ce sens à celui de « vaisseau, bateau » n’est pas fait pour surprendre : cf. pāli doṇī « auge » et « canot », et singhalais doṇa « canot, bateau » (Geiger, Ét. des Singh., n° 630). Quant à τράππαγα , il semble à première vue pouvoir s’identifier aussi. Un mot prākrit de cette forme devrait devenir en guzrati tāpo, en marathi tāpā. Or ces mots existent dans l’usage, et ont, entre autres, le sens de « radeau ». Mais vérification faite, ces formes sont les doublets de guz. tāpho, mar. tāphā ; et dans le cas du marathi, où j’ai pu obtenir des renseignements détaillés d’un indigène, c’est tāphā qui est la forme usuelle, tāpā n’en étant qu’une variante rare ; et le sens de « radeau » n’y est qu’un cas particulier du sens général d’ « objet composé de parties formant chacune un tout par elle-même »; c’est ainsi que le mot désigne aussi un « orchestre ». Il n’y a donc aucune raison de douter de l’origine arabe que les dictionnaires attribuent aux mots guzrati et marathi.

  1. νῆσος λεγομένη Παλαισιμούδου, παρὰ δὲ τοῖς ἀρχαίοις αὐτῶν Ταπροβάνη) (§ 61).
  2. Cosmas a le datif καλλιάνᾳ (v. Müller, Geogr. Gr. Min., I, p. 295).
  3. Thomas JRAS., 1906, p. 211, cité par Rapson, Cat. Ind. Coins in the Brit. Mus., p. civ.