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Le bon M. Lesage, auquel j’en fis part, me dit qu’il ne me manquait qu’une chose : de profondes et sérieuses études d’harmonie ; il trouvait que les mélodies abondaient dans mon ouvrage ; il engagea vivement mon père à m’envoyer à Paris prendre des leçons de nos premiers maîtres.

Quant à moi, ce n’était plus que mon unique rêve, et Dieu est témoin que je ne voyais alors pour seul but dans ce projet que la noble et juste ambition de rendre à mes excellents parents l’aisance qu’ils avaient eu le malheur de perdre, et de leur témoigner ainsi ma vive reconnaissance.

En province, on ne peut se douter de tout ce qu’un malheureux auteur a d’obstacles à surmonter : on croit qu’au bout d’une année on va admettre d’emblée au théâtre tous les ouvrages qu’il pourra faire, s’ils sont bons. Détrompez-vous. On n’arrive que par l’intrigue, la coterie et à l’aide de ce vil métal (comme l’appelle M. Scribe), l’or. Versez-en à pleines mains : que l’on vous trouvera du talent… que de gracieux saluts vous recevrez. Au lieu que si un auteur se présente modestement avec une sorte de timidité (compagne presque toujours du vrai mérite), on le toise de la tête aux pieds, on s’inquiète fort peu s’il a vraiment du mé-