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rendue méfiante. — Ne voulant donc pas être dupe, je lui préparai une innocente ruse qui me réussit : je pris deux morceaux de ma partition (la Jeunesse de Lully), j’écrivis mon nom sur un papier et le mis dans une des feuilles de musique que je cachetai. Ensuite je fis un rouleau et l’envoyai au secrétaire, qui me dit que sous huit jours je pourrais me présenter pour avoir la réponse. La semaine s’étant écoulée, je me rendis chez le secrétaire, qui, lorsqu’il m’aperçut, prit un air contraint et embarrassé. — Eh bien ! Monsieur, lui dis-je en souriant, on n’a pas trouvé sans doute, je le vois à votre air, ma musique digne d’obtenir une audition ? J’en étais très-persuadée d’avance. — Et pourquoi en étiez-vous certaine d’avance, Mademoiselle, reprit-il un peu sèchement ; en effet, on l’a examinée, et on la trouve mauvaise. — Oh ! c’est parce qu’on savait que c’était de moi, lui dis-je, et la prévention était là. — Vous êtes dans l’erreur, Mademoiselle, car on ne nomme jamais l’auteur. — Il me semble pourtant, Monsieur, que ce rouleau n’a point été défait, et je vais à l’instant vous en donner la preuve convaincante, puisque j’ai mis mon nom dans une des pages. Voyons si elle a été décachetée. J’ou-