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chelle à Rochefort où nous montâmes à bord de la Virginie.

Des barques amies avaient tout le jour accompagné la Comète ; nous répondions de loin à leur salut.

J’aurais voulu, en les quittant, agiter en dernier adieu l’écharpe rouge que j’avais conservée, mais elle était dans les bagages et je n’eus que mon voile noir.

Cette écharpe, dérobée à toutes les recherches ; cette écharpe rouge de la Commune a été divisée, là-bas, en deux morceaux, une nuit où deux Canaques, avant d’aller rejoindre les leurs, insurgés contre les blancs, avaient voulu me dire adieu.

La mer était mauvaise, sont-ils seulement parvenus à l’autre rive ? Ou ces malheureux qui s’en allaient à la nage, ont-ils été tués ? J’ignore laquelle de ces deux morts les a pris.

C’étaient des braves, de ceux que blancs ou noirs aiment, les Valkinis.

J’en reviens à mon journal de bord. Jusqu’au lundi on côtoya les côtes de France, puis vint la pleine mer ; d’abord deux ou trois navires à l’horizon, puis un seul, puis plus rien.

Vers le 14, disparurent les derniers grands oiseaux de mer ; deux nous accompagnèrent quelque temps.