Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/308

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Lifon est presque Européen à force de vivre chez les blancs. Il sait lire parfaitement, il n’écrit pas plus mal que bien d’autres et même, sous ce misérable tuyau de poêle dont il a la simplicité de s’affubler, il a un certain air d’Othello.

On prétend qu’une blanche l’a aimé et qu’elle a failli mourir de chagrin du refus de ses parents.

Depuis cette première fois où j’avais vu Daoumi, je l’ai revu bien d’autres fois. Il s’était placé à la cantine de la presqu’île Ducos afin de s’exercer à la vie d’Europe. Il m’a raconté les légendes des tribus, m’a donné des vocabulaires et j’ai tâché de mon côté de lui dire ce que j’ai cru le plus nécessaire qu’il sût.

Il m’a présenté son frère, un magnifique sauvage aux dents étincelantes, aux larges prunelles phosphorescentes, vêtu complètement en Canaque, c’est à dire pas du tout et parlant difficilement notre langue moins douce que leurs dialectes.

Lorsque, mes cinq ans de presqu’île étant terminés, je pus aller à Nouméa comme ceux qui ayant un état peuvent se suffire, ce n’était pas la jeune fille blanche qui était morte, c’était Daoumi.

Son frère a repris le projet interrompu par le mort ; c’est lui qui retournera dans sa tribu avec