Page:Mémoires de Louise Michel.djvu/444

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on rendait à la courageuse enfant sa liberté. Mais on ne lui rendait pas sa mère, devenue folle et qui mourut bientôt dans un hospice d’aliénés, à l’asile Sainte-Anne.


Marie était encore debout dix ans après ces horribles choses. Ceux qui avaient leur père ou leur frère en Calédonie ou en exil savent quels étaient son dévouement et son courage infatigable.

À Londres, les proscrits me parlaient des quelques jours qu’elle y avait passés, comme si, en la voyant, ils eussent revu avec elle les amis disparus dans l’hécatombe ; je crois qu’ils l’aimaient plus encore que moi. Nous ne l’avons plus.

Ceux qui dans Paris, où l’on change si souvent de logement, habitent le no 27 de la rue Condorcet, ancien appartement de Mme Camille Bias, y verront peut-être encore une chambre tendue de rouge ayant la forme d’une lanterne.

Marie Ferré, au moment où Mme Bias arrêta ce logement, me parla beaucoup de la chambre rouge : « C’est un véritable nid, me disait-elle, vous verrez comme on est tranquille. »

C’était un nid, en effet, — le nid de la mort.

Dans la nuit du jeudi au vendredi du 24 février 1882, après une courte maladie à laquelle nous étions loin de supposer une fin aussi terrible, c’est là que nous l’avons perdue.