Page:Mémoires de l'Institut national de France (tome 34, partie 2 - 1895).djvu/153

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n’émanant pas de la partie intéressée. Comment une enfant mineure pourrait-elle renoncer définitivement à ses droits par l’intermédiaire d’un oncle[1] ?

Cette iniquité fut chèrement expiée ; car le mal fait à notre pays par le fils de cette Jeanne de France, par Charles le Mauvais, ce capétien de père et de mère, ce petit-fils de Louis X, ce prince enfin dont Philippe le Hardi était deux fois l’aïeul, dont saint Louis était deux fois l’aïeul, s’explique en partie par un désir inassouvi de réparation, par un ressentiment haineux et profond. Jeanne parvint, en 1328, à se faire restituer la Navarre[2]. Son fils chercha à rentrer en possession de l’héritage tout entier. On sait, en effet, qu’au milieu des malheurs de la guerre de Cent ans, Charles le Mauvais, cet ambitieux courtisan du peuple[3], aspira au trône de France. Le 30 novembre 1357, il haranguait les bourgeois et les écoliers dans le Pré-aux-Clercs et leur parlait de ses droits à la couronne. En juin 1358, élu capitaine de la place de Paris, il rêvait une sorte de plébiscite répété dans toutes les villes de France. Toutes les bonnes villes se fussent entendues pour le faire « capitaine universel par tout le royaume[4] ». Il fût devenu ainsi l’arbitre et

  1. Je fais de nouveau remarquer au lecteur que le mot renoncer n’est pas dans les actes, mais je les considère comme des renonciations.
  2. Continuateur de la Chronique de Jean de Saint-Victor, dans D. Bouquet, t. XXI, p. 688.
  3. Cf. Izarn et Prevost, Le compte des recettes et dépenses du roi de Navarre de 1367 à 1370, Introduction, p. cv.
  4. Grandes Chroniques, éd. Paulin Paris, t. VI, p. 116. J’ajoute cependant qu’un propos prêté au roi de Navarre par l’auteur des Grandes Chroniques n’implique pas de trop vives récriminations : « Et eust esté sa mère roy de France, se elle eust esté homme. » (Les Grandes Chroniques, édit. Paulin Paris, t. VI, p. 116.) Le traité de Richard le Scot dont j’ai déjà parlé ci-dessus (p. 126, note 2) est dirigé contre les prétentions de Charles le Mauvais. M. J. Lemoine, qui a découvert une fort curieuse chronique du même auteur, dont il prépare une édition pour la Société de l’histoire de France, me communique le petit mémoire de Richard le Scot (ms. lat. 14663, fol. 39) au cours de la correction des épreuves du présent article.