Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 4.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
ccxxiv
éloge de m. delambre.

vie de M. Delambre : si le bonheur consiste dans les nobles occupations de l’esprit, dans les affections bienveillantes et la jouissance de soi-même, quelle destinée fut plus heureuse que la sienne ? Elle ne fut pas exempte sans doute de peines passagères ; mais il a joui des biens vraiment désirables, ceux que procurent l’étude, l’amitié et la vertu. Dans toutes les situations de la vie il honora son caractère, soit par la modération de ses désirs, lorsqu’il fut privé des avantages de la fortune, soit par l’usage qu’il en fit lorsqu’il les posséda. Il a connu dès sa jeunesse, et puisé dans les sources mêmes tout ce que l’antiquité nous a transmis de vrai, de grand, de sublime ; il a passé sa vie dans la contemplation des phénomènes de l’Univers, et dans le commerce intime des plus célèbres contemporains. Les sentiments de la haine, les repentirs amers, les désirs ambitieux n’ont point troublé son cœur ; il n’a offensé personne, l’envie même a respecté son repos. Combien peu de grands hommes ont joui de cet avantage, et qu’il nous serait facile de rendre cette réflexion plus frappante en citant les noms immortels qui l’ont précédé, et rappelant ici l’exil de Tycho, l’indigence de Képler, les illustres infortunes de Galilée ! L’étendue et la nature des ouvrages que Delambre nous a laissés le placent pour jamais au rang des premiers promoteurs des sciences ; la poésie et l’amitié ont consacré son nom ; il n’a manqué à sa mémoire, Messieurs, qu’un successeur qui sût mieux que moi peindre dignement son caractère et son génie : mais la voix éloquente et fidèle de l’histoire suppléera bientôt à la mienne ; elle s’élèvera dans tous les siècles, pour perpétuer le souvenir de tant d’utiles et glorieux travaux.