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Page:Mémoires de l’Académie des sciences, Tome 22.djvu/117

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ordinairement des vertiges à qui y arrive brusquement. Celui-ci s’imagine devoir faire oublier, par le faste et la prodigalité, les années qu’il a passées dans la médiocrité ou la gêne ; celui-là devient dédaigneux et insolent, brutal, et se venge ainsi, sur les malheureux solliciteurs, des dédains, des arrogances, des brutalités qu’il subissait quand il était solliciteur lui-même. Des noms propres viendraient en foule se placer au bas de cette esquisse, si quelqu’un s’avisait d’en contester la fidélité. N’allez pas croire toutefois qu’en faisant si bon marché de certains parvenus, j’entende me constituer ici l’avocat du privilége je veux prouver, au contraire, par l’exemple de Carnot que les âmes d’une certaine trempe savent résister à la contagion.

Six mois après le coup d’État du 18 fructidor, Carnot est officiellement accusé au conseil des Cinq Cents d’avoir eu, avec Pichegru, des relations fréquentes, intimes, à une époque où ce général, membre du Corps législatif, souillait par des intrigues criminelles sa brillante réputation militaire. Carnot nie ces relations. Il prouve d’abord que des entrevues secrètes n’auraient pas pu avoir lieu chez lui. « Je sens bien, ajoute-t-il, qu’on dira : Si ce n’est pas chez vous, c’est ailleurs. Eh bien ! je déclare que, pendant toute la durée de mes fonctions directoriales, je ne suis pas sorti douze fois, sans être accompagné de ma femme, de mes sœurs, de mes enfants ! »

Il est possible, Messieurs, qu’en France, qu’ailleurs, les gouvernants aient eu souvent cette simplicité, cette austérité de mœurs ; mais, je l’avouerai, le bruit n’en est pas venu jusqu’à moi.