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XVI.


Mes chers Confrères, l’analyse précédente, à la fois si longue et si incomplète, vous aura pourtant, je l’espère, donné une idée de l’étendue et de l’importance des travaux d’Henri Poincaré.

On peut se demander comment, dans une vie relativement si courte, il a pu écrire plus de 30 Volumes et près de 500 Mémoires, répandus dans les Recueils du monde entier. Je ne connais que Berthelot dont la production soit comparable à la sienne. J’ai vécu à côté et dans l’intimité de ces deux grands hommes. Ce qui m’a le plus frappé, c’est la prodigieuse activité de leur esprit, la rapidité de leurs conceptions. J’ai vu Poincaré à la Sorbonne, au Bureau des Longitudes, à l’Académie. Partout, quand on lui demandait de résoudre une difficulté, sa réponse partait avec la rapidité de la flèche. Lorsqu’il écrivait un Mémoire, il le rédigeait tout d’un trait, se bornant à quelques ratures, sans revenir sur ce qu’il avait écrit. Au reste, il nous a donné des renseignements, d’une valeur inappréciable pour le philosophe et le biologiste, sur la manière dont il travaillait[1]. Vous avez dû remarquer que j’ai pris plaisir à m’effacer devant lui et à multiplier les citations. Permettez-m’en une nouvelle ; elle aura l’avantage de vous éclairer sur la genèse de sa plus belle découverte.


Depuis quinze jours, nous dit-il, je m’efforçais de démontrer qu’il ne pouvait exister aucune fonction analogue à ce que j’ai appelé depuis les fonctions fuchsiennes ; j’étais alors fort ignorant. Tous les jours, je m’asseyais à ma table de travail, j’y passais une heure ou deux ; j’essayais un grand nombre de combinaisons et je n’arrivais à aucun résultat. Un soir, je pris du café noir, contrairement à mon habitude ; je ne pus m’endormir, les idées surgissaient en foule ; je les sentais comme se heurter,

  1. M. le Dr  Toulouse qui a examiné par les méthodes de la Psychologie physiologique plusieurs hommes célèbres, Zola, Berthelot, Dalou, Rodin, Puvis de Chavannes, Saint-Saëns, Alphonse Daudet, Jules Lemaître, Pierre Loti, etc., a consacré tout un Volume en 1909 à Poincaré. Voir Henri Poincaré, par le Dr  Toulouse, Paris, E. Flammarion.