Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome II 1921.djvu/146

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
141
LA PRINCESSE CHARLOTTE

fessait une vive tendresse pour sa mère qu’elle regardait comme sacrifiée aux malveillances de sa famille.

La princesse Charlotte recherchait avec soin les occasions d’être impertinente pour les femmes qui composaient la société particulière du Régent. On lui avait persuadé que son père avait eu le désir de faire casser son mariage et de nier la légitimité de sa naissance. Je ne sais si cela a quelque fondement ; en tout cas ses droits étaient inscrits sur son visage : elle ressemblait prodigieusement au prince. Elle était née neuf mois après le mariage dont l’intimité n’avait pas duré beaucoup de jours. Il est certain que le prince de Galles avait tenu à cette époque beaucoup de mauvais propos que la conduite de sa femme n’a que trop justifiés ; mais je ne sache pas qu’il ait jamais pensé à attaquer l’existence de la princesse Charlotte.

Il accusait miss Mercer d’avoir monté la tête de la jeune princesse en lui racontant cette fable ; il l’avait expulsée du palais et la détestait cordialement. Miss Mercer conservait une correspondance clandestine avec la princesse Charlotte. Elle avait excité ses répugnances contre le prince d’Orange que le cabinet anglais désirait lui faire épouser et encouragé le goût que la grande-duchesse Catherine de Russie avait cherché à lui faire prendre pour le prince Léopold de Saxe-Cobourg. Cette intrigue avait été conduite par ces deux femmes jusqu’au point d’amener la princesse Charlotte à déclarer qu’elle voulait épouser le prince Léopold et était décidée à refuser tout autre parti. L’opposition l’appuyait.

Miss Mercer, fille de lord Keith, riche héritière mais fort laide, prétendait de son côté épouser le duc de Devonshire et lui apporter en dot son crédit sur la future souveraine. Tout le parti whig, applaudissant à cette alliance, s’était ligué pour y déterminer le duc. Je ne sais