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EXPÉDITION DE LA DUCHESSE DE BERRY

l’éternel honneur de toutes les classes des habitants de Paris.

Je regrette que la vérité me force à relater un moment de fureur d’un horrible résultat. Quatre innocents furent impitoyablement massacrés comme empoisonneurs. On attribua ce crime à l’effet d’une proclamation fort imprudente du préfet de police, monsieur Gisquet. C’était l’avis de monsieur Casimir Perier, et je l’en ai vu transporté de colère au moment où il rendait compte aux Tuileries de cette déplorable journée.

C’est la dernière fois qu’il soit sorti, car, cette nuit-là, lui-même fut atteint de la maladie. Il en portait le germe depuis une visite des hôpitaux où il avait accompagné monsieur le duc d’Orléans, l’avant-veille.

Ni l’un ni l’autre ne s’étaient épargnés dans l’espoir de rassurer les malades et la population ; mais le ministre avait été profondément impressionné ; il en parlait avec terreur et l’émotion de ces massacres, qu’il pensait provoqués par un de ses agents confidentiels, en excitant une vive irritation, décida l’invasion du mal.

Cette triste circonstance empêcha seule le renvoi immédiat de monsieur Gisquet. Je reconnais pleinement l’inconvenance de son ordonnance. Elle recommandait aux marchands de vin, aux laitières, et jusqu’aux porteurs d’eau de veiller à ce que des malveillants ne vinssent pas jeter dans le vin, le lait et l’eau des liqueurs dangereuses, et devait enflammer la multitude.

Mais, lorsque je pense que partout, depuis le village du fond de la Hongrie habité par des demi-sauvages, jusqu’à Glascow dont la population en masse est peut-être la plus éclairée du monde, le neuvième jour de l’invasion du choléra a été constamment accompagné d’imprécations contre les empoisonneurs suivies d’atroces