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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

fut prise, le fléau était à son déclin, car, pendant les quatorze premiers jours, tout ce qui en était touché périssait infailliblement.

On commença ensuite à sauver quelques malades, puis beaucoup, puis à peu près tous au bout de cinq à six semaines. Il ne faut pas que la médecine se targue de ce succès.

Le choléra a suivi la même marche partout où il s’est présenté, de quelque façon qu’il ait été traité, et il a parcouru toute l’Europe sans que la science ait découvert le moindre de ses secrets. Il a trompé toutes les conjectures et déjoué tous les calculs. Il a sévi dans les lieux réputés les plus sains, et s’est abstenu là où l’on redoutait ses effets les plus pernicieux.

Les grands hôtels du faubourg Saint-Germain, peu habités et entourés de vastes jardins, ont été décimés, tandis que la fourmilière du Palais-Royal était ménagée et qu’il n’y a pas eu un seul cas de choléra dans les passages vitrés, mal aérés et encombrés de population. On avait tellement craint de les voir devenir des foyers d’infection, qu’à l’approche de la maladie le conseil sanitaire avait songé à les évacuer. La rapidité de l’invasion n’en laissa pas le temps.

Les mêmes anomalies se présentèrent dans la campagne. Tel village a été complètement épargné, et tel autre, dans des conditions de salubrité également favorables, a été abîmé. Tantôt le fléau s’est abattu dans les vallées, tantôt il a frappé sur les montagnes.

Mais partout il a augmenté pendant quatorze jours, est resté stationnaire trois ou quatre et en décroissance pendant trois semaines au bout desquelles la maladie avait changé de caractère et ne présentait plus que les symptômes de ce qu’on appela la cholérine. Elle était rarement mortelle. Puis venait le moment de la recrudescence