Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
144
MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

avait quitté son vêtement semi-masculin de la veille et était habillée en paysanne.

Toute cette petite Cour factieuse jouait au roman historique, jusqu’à ce point de se donner pour sobriquets entre eux les noms des personnages inventés par Walter Scott. Sa mode, alors à son apogée, n’a pas peu influé sur la conduite de ces héros improvisés d’une guerre civile heureusement impossible.

Cette fois, la princesse était seule et monsieur Berryer la trouva plus abattue et plus accessible à la raison. Elle commença par répéter que, si elle avait mal fait de venir en France, il n’en était pas moins bien fait d’y vouloir rester :

« Je m’y ferai tuer.

— On ne vous tuera pas, on vous arrêtera.

— Hé bien, qu’on fasse tomber ma tête sur l’échafaud.

— On ne fera pas tomber votre tête, on vous fera grâce. » Cette considération l’ébranla.

« On aura tort, reprit-elle ; je recommencerai.

— Si vous indiquez ce projet, vous donnerez le droit de vous retenir indéfiniment enfermée.

— Enfermée ! Enfermée ! » Et cette nature vagabonde et téméraire recula devant cette sorte de danger.

Monsieur Berryer, prenant alors son avantage, le poursuivit, et ne s’éloigna qu’en emportant l’autorisation de tout préparer pour la fuite. Le rendez-vous fut donné, pour le surlendemain au soir, dans une lande près de la mer.

Marie-Caroline s’y trouverait avec deux compagnons et monsieur Berryer s’engageait à les faire embarquer dans la nuit. Enchanté de son succès, il retourna à Nantes prendre les dernières mesures pour un départ désiré par les sommités de tous les partis mais qu’il