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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

m’engagèrent à rentrer chez moi et à ne plus en sortir.

Pendant que je signais quelques papiers essentiels, ils me racontèrent que, vers six heures du matin, des groupes assez considérables s’étaient portés sur les boutiques des armuriers, les avaient pillées sans qu’on pût s’y opposer. Partout on avait brisé les lanternes et renversé les armes royales des boutiques où elles étaient placées. À la vérité, les propriétaires n’avaient fait aucune résistance et avaient même aidé.

Il était question de rétablir de fait la garde nationale pour protéger les personnes et les propriétés. Messieurs Mallet avaient déjà été à leur mairie à cet effet. Ils allaient y retourner, et ils espéraient qu’avant la fin de la matinée une garde nationale improvisée serait en activité dans tous les quartiers, non dans le but d’assister la troupe, mais pour protéger les gens tranquilles et s’opposer à un pillage que les événements de la matinée présentaient comme imminent.

Je rentrai plus effrayée que je n’étais partie. Je retrouvai ma rue parfaitement calme ; seulement, par mesure de précaution, les habitants descendaient les lanternes, les serraient et effaçaient les armes royales là où elles se trouvaient.

On me remit un billet de monsieur Pasquier. Il s’informait si j’avais quelque moyen de communiquer avec le duc de Raguse et m’engageait à lui faire savoir que des gens bien instruits pensaient que la résistance militaire, opposée à un mouvement si général, amènerait des catastrophes effroyables, quel qu’en fût le résultat. On connaissait ses lumières et son cœur et l’on pensait que le plus beau rôle pour lui était de se placer comme médiateur, en annonçant à Saint-Cloud les difficultés (plus réelles que peut-être lui-même ne le savait) dont il se trouvait entouré, et en y conseillant des concessions