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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

Fabvier dans sa position devait tenir, j’engageai pourtant monsieur de La Rue à répéter ses paroles au maréchal devant les personnes dont il était obsédé, afin d’avertir que les insurgés seraient dirigés militairement. Ils le furent, en effet, et bien habilement.

Tout de suite après le départ de monsieur de La Rue, je fis prévenir monsieur Pasquier de la réponse peu satisfaisante qui m’était parvenue ; puis je me pris à ruminer sur ce que La Rue m’avait dit du peu d’état qu’obtiendraient des paroles passant par sa bouche.

Je savais que nul plus que monsieur Arago n’avait crédit sur l’esprit du maréchal ; je lui écrivis pour l’engager à se rendre tout de suite à l’état-major et à y user de son influence pour sauver le pays, le trône et son ami de la ruine prochaine dont ils étaient, menacés. Je fis monter un homme à cheval pour se rendre par les boulevards extérieurs à l’Observatoire.

À peine était-il parti que j’entendis le premier coup de canon. Je ne puis peindre l’effet qu’il produisit sur moi ; je jetai un cri et, cachant ma tête dans mes mains, je restai immobile pendant quelques minutes.

Tous nos soins devenaient superflus ; le sort en était jeté, le pays, le trône, les individus, tout était en jeu ! Il n’y avait plus qu’à attendre, en tremblant, le résultat de si funestes chances.

Je passais tout mon temps à la fenêtre. Bientôt je vis arriver une patrouille de soldats. En débusquant dans la rue, ils commencèrent par y tirer une douzaine de coups de fusil quoique tout y fût complètement pacifique. Le comte Karoly, sortant de chez moi, pensa être atteint d’une balle qui vint frapper la borne de la porte.

Il n’y eut pas d’accident dans la rue d’Anjou, mais un voiturier, tournant tranquillement sa charrette, fut