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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

de raisonnements et de caresses. La princesse Marie ne s’y épargnait pas.

Le Roi seul demandait qu’on lui laissât son libre arbitre, et, la veille encore du mariage, à Compiègne, la trouvant tout en larmes, il lui dit qu’il était encore temps de rompre et qu’il se chargeait de la responsabilité si elle éprouvait de la répugnance pour le roi des Belges.

Elle répondit que son seul chagrin était de s’éloigner, et que tout époux lui serait également importun. La Reine la gronda, la persuada, la consola et le mariage s’accomplit.

L’attitude de la princesse Marie, à ce voyage de Compiègne, étonna bien des gens. Son air complètement dégagé, au moment de sa première séparation d’une sœur si angélique qu’elle n’avait jamais quittée d’une heure depuis sa naissance, parut d’une rare insensibilité.

Une jeune personne, mademoiselle de Roure, amie d’enfance des princesses, en était plus scandalisée que personne. Elle essuyait les larmes de la princesse Louise et en répandait avec elle, pendant que la princesse Marie les plaisantait, batifolait et riait autour d’elles.

Elle soutint ce personnage jusqu’au moment où la voiture, qui emmenait sa sœur, fut sortie de la cour ; puis elle courut s’enfermer chez elle. Denise de Roure y pénétra quelques heures après et la trouva dans un déluge de larmes et, désespérée, elle se jeta dans ses bras en lui disant que son bonheur était fini, sa vie décolorée. Elle lui fit le tableau animé de tout ce que Louise était pour elle et de tout ce qu’elle perdait.

Denise l’écoutait avec surprise, et ne put s’empêcher de lui demander pourquoi, sentant si profondément cette séparation, elle s’était donné l’air d’une indifférence qui avait étonné tout le monde et, à coup sûr, blessé sa sœur.