Page:Mémoires de la comtesse de Boigne Tome IV 1922.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
291
MORT DE LA DUCHESSE DE WURTEMBERG

qu’elle inspirait ; « Mais aussi, c’est que maman est la perfection : qui oserait se flatter de la représenter ? »

J’avais trop de respect pour la vérité pour lui répondre : Vous, Madame ; mais je lui dis qu’on pouvait, au moins, chercher à l’imiter. Elle reprit en riant qu’elle ne commencerait toujours pas en allant parler à tous ces messieurs noirs, et, de là, me déduisit, avec beaucoup de grâce et plus d’esprit que de raison, que, dans le siècle où nous vivions, les princes n’étaient plus entourés d’assez d’illusions pour être tenus à faire des frais de politesse, que chacun était jugé pour sa valeur intrinsèque, et : « au bout du compte, dit-elle en finissant, ce n’est pas parce qu’elle a été chercher ce petit homme, derrière son fauteuil, que la Reine est chérie et respectée, c’est parce qu’elle est une excellente mère, une excellente épouse, une femme qui fait plus qu’accomplir tous les devoirs que le Ciel lui a commis. »

On voit que, toujours, chez la princesse Marie, l’idée des joies et des devoirs du ménage surnageait dans sa pensée. Je n’oserais pas affirmer que peut-être, au milieu de tout son libéralisme professé et certainement à son insu, son vieux sang Bourbon ne remontât vers sa source et, se refoulant dans ses veines, ne lui inspirât un peu de répugnance pour les gens avec lesquels la révolution de Juillet la forçait à frayer et n’augmentât son dédain pour la popularité.

Quoi qu’il en soit, elle se tenait fort éloignée de toute politesse banale, et les réceptions de Cour lui paraissaient de rudes corvées. Les bals même lui étaient devenus désagréables dès que les invitations s’étendaient au delà d’une stricte intimité.

La pauvre Reine dit à présent : « Marie était trop parfaite pour ce monde ; nous ne la comprenions pas ; elle planait trop au-dessus de nous. » Mais alors, elle,