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MÉMOIRES DE MADAME DE BOIGNE

Je vis, dans le même temps, par faveur spéciale, dans l’atelier de la princesse, sa statue de l’ange de Moore portant au ciel, dans le creux de sa main, une larme du pêcheur repentant. Elle me parut charmante et supérieure à la Jeanne d’Arc. Elle n’a point encore été livrée aux yeux du public, et je ne sais pas ce qu’il en pensera.

Le prince Léopold de Naples se querella (car, malgré le rang des personnages, on ne peut se servir d’une expression plus relevée) se querella donc avec le Roi son frère. Il vint chercher un abri à la Cour de France où il fut reçu comme l’enfant de la maison. La Reine interposa ses bons offices entre ses deux neveux.

Le prince Léopold témoigna bientôt un vif désir de contracter avec la princesse Marie une alliance dont il avait déjà été question. La Reine douairière de Naples le souhaitant extrêmement, le Roi ne s’y opposait pas formellement, mais se refusait à tous les arrangements nécessaires à l’accomplissement de cette union et rappelait son frère.

On eut ici le chagrin de le voir partir sans avoir rien conclu, après un séjour prolongé et des empressements assez marqués pour avoir attiré l’attention de tout le monde. La princesse en fut cruellement blessée et la Reine, qui s’accusait de l’avoir encouragée à souhaiter cette alliance de famille, profondément affligée.

Le prince avait promis d’emporter le consentement de son frère, mais la Reine-mère mandait qu’il n’aurait pas assez de fermeté pour oser l’exiger.

L’amiral de Rigny fut envoyé à Naples pour forcer le Roi à s’expliquer catégoriquement. Une conversation de dix minutes entre l’ambassadeur extraordinaire et Sa Majesté Napolitaine amena une rupture ouverte. L’amiral s’embarqua sur une frégate qui l’attendait et les légations furent retirées de la part des deux Cours.