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UNE SEMAINE DE JUILLET 1830

« Ce ne serait pas au moins leur avis, me répondit-il, car, hier soir, lorsque le maréchal, au lieu de retourner à Saint-Cloud, y a fait dire que, malgré tous les groupes dissipés et le calme rétabli, il croyait devoir profiter de la permission donnée par le Roi de passer la nuit à Paris, on a fait entrer l’officier chargé du message. Le Roi jouait au whist avec madame la duchesse de Berry ; la commission faite, la princesse a demandé :

« Les troupes ont-elles tiré ? — Oui, madame, — De bon cœur ? — Oui, madame. — Il faut que je vous embrasse pour cette bonne nouvelle. » Et elle a quitté la table. Le Roi a dit, en souriant : « Allons ! allons, asseyez-vous, pas d’enfantillage. »

Je reviens à la soirée du jeudi. Nous attendions vainement des nouvelles de l’arrivée de monsieur de Mortemart. Nous sûmes enfin, à onze heures, qu’il n’était pas encore arrivé.

Comme on se corrige malaisément de prétendre trouver quelque chose de logique dans les événements, nous cherchâmes à nous expliquer ce retard. Chacun donnait son idée la plus probable. Mon avis était que, beaucoup de troupes fraîches étant arrivées, on s’était décidé à tenter une nouvelle attaque sur Paris.

Vers minuit, je me retrouvai seule, plus inquiète et plus effrayée que jamais. Je recommandai à tout mon monde de se tenir prêt à vider les lieux au premier appel, et je me jetai tout habillée sur mon lit.

J’avais souvent entendu dire au maréchal (nous ignorions qu’il ne commandait plus) que le meilleur moment pour attaquer était un peu avant le point du jour, et j’attendais le lever du soleil comme le signal de notre salut.

Jamais nuit aussi courte ne me sembla aussi longue. Vers les trois heures du matin un bruit de mousquetterie