Page:Mémoires de la société géologique de France - 1re série - 1 - 1833-1834.djvu/264

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dans les gorges du Jura. Ils se trouvent ainsi séparés, par les vallées du Rhône et de l’Aar, des hautes chaînes dont ils sont descendus.

Les bords méridionaux de la Baltique sont jonchés de grands fragmens de roches primitives et intermédiaires de la Scandinavie, c’est-à-dire des contrées situées au bord septentrional de cette mer. La période secondaire si variée, si compliquée, si étendue, offre partout les indices du déplacement et du soulèvement de ces roches. Ses immenses formations ont été fréquemment interrompues par les mouvemens convulsifs qui se sont succédé pendant sa durée, et qui ont produit les principales inégalités de la superficie du globe, soit en soulevant, soit en affaissant les terrains. Ces mouvemens convulsifs se sont prolongés en devenant plus rares pendant la période tertiaire. Plusieurs faits attestent qu’ils ont conservé une grande intensité pendant la plus ancienne de ses époques.

Cette considération a offert le moyen, peut-être unique, d’expliquer ce transport mystérieux des blocs alpins et Scandinaves. Dolomieu a pensé que les blocs épars sur les pentes du Jura y sont arrivés sur un plan incliné avant l’excavation des vallées intermédiaires. M. de Buch, après plusieurs tâtonnemens, s’est arrêté à cette conclusion, que leur transport s’est opéré à l’époque où les montagnes d’où viennent ces blocs ont été soulevées.

Mais cet observateur suppose aussi que les blocs ont pu franchir l’espace intermédiaire à travers les eaux des lacs alpins ; il a calculé qu’il leur aurait suffi, pour décrire une diagonale dans ces eaux, d’être mus avec une vitesse de 357 pieds par seconde, c’est-à-dire cinq fois moindre que celle d’un boulet de canon. Mais la vitesse des blocs entraînés à la débâcle de Bagnes n’a été que de 30 pieds. Comment imaginer dans l’intérieur des Alpes, et pendant leur soulèvement, des courans dont la force aurait imprimé aux blocs une vitesse dix ou onze fois plus grande, sur un trajet, non de quelques centaines de toises, mais de plusieurs lieues[1] ?

Il me semble qu’en rapportant, comme l’ont fait plusieurs géologues[2], le transport de ces grands blocs à l’époque du soulèvement de leurs roches, on peut se dispenser de faire passer à travers du lac Léman ceux descendus de la chaîne du Mont-Blanc ; car s’ils ont été charriés pendant le soulèvement de cette chaîne, plus haute que le lac de 10 à 12,000 pieds, il est tout aussi naturel de supposer que l’excavation lacustre, profonde seulement de 8 à 900 pieds, n’a point été antérieure à cet immense exhaussement du sol voisin : elle aurait pu ainsi s’être formée après le transport des blocs de la chaîne des Alpes et celle du Jura.

Cette induction serait même applicable à l’hypothèse du soulèvement partiel de cette région alpine ; et tout en laissant à ces masses centrales la haute antiquité

  1. Voyez l’extrait du Mémoire de M. de Buch, au Bulletin des Sciences naturelles, mai. 1828, page 5.
  2. M. Deluc, même Bulletin, p. 3 ; M. Boué, etc.