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MÉMOIRE GÉOLOGIQUE

sa rade, au mois de juin, présentait un spectacle animé par de nombreux navires marchands où le pavillon français ne se laissait pas distinguer.

D’un autre côté, son voisinage des belles provinces de Circassie et d’Abasie, aujourd’hui ravagées par la guerre et défendues contre les Russes par des peuples intrépides et accoutumés à l’indépendance, mais où la paix ramènera un jour le commerce, sont de sûrs garants de la prospérité future de cette petite ville, qui compte à peine aujourd’hui 5,000 habitants.

Nous ne restâmes à Kertsch que le temps nécessaire pour voir quelques unes des antiquités ; nous fîmes notre visite au gouverneur de la ville, le prince Kerkeulitzef, qui nous donna des lettres de recommandation pour les employés russes sur la côte opposée du Bosphore, lettres qui nous servirent de billets de logement, les auberges étant inconnues dans ces parages ; et profitant d’un vent favorable, nous traversâmes en moins de trois heures le Bosphore Cimmérien, auquel on donne une largeur de trente-deux verstes (neuf lieues). Nous débarquâmes à Taman. Cette ville, qui contenait jadis une grande population, est réduite aujourd’hui à quelques maisons groupées autour d’une église dans la construction de laquelle on a fait entrer plusieurs marbres sculptés et colonnes de marbre, seuls vestiges de l’antique civilisation qui a fleuri sur ces rivages.

Nous fûmes logés chez le directeur de la quarantaine de Taman, car il y a une quarantaine à Taman contre les Circassiens, ou Tcherkesses, ou toute personne venant de chez eux. Cette mesure politique, qui date sans doute de l’époque où le Couban servait de limite entre la Russie et la Turquie, mais qui, aujourd’hui., établit une barrière entre l’Abasie, la Circassie et les autres provinces de l’empire russe, semble en contradiction avec les prétentions de cette puissance sur ces contrées.

De Taman nous pûmes, grâce à notre paradosnaya, ou autorisation de requérir des chevaux de poste, prendre des petites voitures appelées pavosks, et faire des excursions dans la presqu’île que forme le Couban, et qu’on nomme presqu’île de Taman. Ce pays, aujourd’hui presque inculte, est la propriété des Cosaques de la mer Noire. Le grand nombre de tumulus dont le sol est couvert annonce que jadis il a nourri une grande population. Là commencèrent nos observations géologiques, et ici aussi, abandonnant la forme d’itinéraire qui m’entraînerait dans trop de détails, je me bornerai à faire connaître les traits principaux de la géologie de la presqu’île de Taman et de la Crimée.


PHÉNOMÈNES DE L’ÉPOQUE ACTUELLE.


I. Volcans de boue.


L’un des phénomènes les plus intéressants que nous eûmes (l’abord à observer dans la presqu’île de Taman, ce sont les éruptions boueuses ou volcans de boue. Le premier que nous visitâmes est situé sur une éminence allongée dite la