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de M. A. Thouin.

n’agissoit pas plus sur lui que l’intérêt : sa mise fut toujours aussi simple que sa vie ; il trouvoit que des décorations et des broderies alloient mal à un jardinier, et nous l’avons vu, un jour qu’il devoit haranguer un souverain au nom de l’Institut, obligé d’en emprunter l’uniforme. On se souvient qu’un de ses anciens amis, élevé subitement à une position toute puissante, continuoit de venir du Luxembourg passer toutes ses soirées chez lui. Il le reçut toujours au même foyer, l’éclaira de la même lampe, comme s’il eût voulu ne pas lui laisser perdre les habitudes de la vie privée. Que de gens à cette époque d’un luxe extravagant auroient voulu pouvoir approcher de ce foyer antique et enfumé ! Quelques uns cependant en approchèrent, mais ce furent seulement des hommes qui dans de grands dangers n’avoient point d’autres ressources. Il nous est connu qu’après le 18 fructidor, plus d’un proscrit y a trouvé la vie.

Cette liaison ne fut pas la seule dont M. Thouin dédaigna de profiter. Il n’auroit tenu qu’à lui de plaire dans tous les sens du mot : sa figure étoit belle, son maintien noble et doux, sa conversation pleine d’intérêt. Les personnes les plus élevés aimoient à parcourir avec lui le Jardin et à l’entendre parler sur les végétaux remarquables par leurs formes ou leurs propriétés. Il n’est aucun des souverains étrangers venus à Paris qui n’ait pris plaisir à ces entretiens, et nous avons vu un grand monarque vouloir en jouir à bien des reprises. Mais aucune de ces tentations ne peut attirer M. Thouin hors de ce Jardin où il étoit né, dont il s’étoit fait une patrie et comme un domaine héréditaire, où il avoit en un mot placé toute son existence. Il est vrai qu’il y régnoit en quelque

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