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mémoires du maréchal joffre

des opérations, n'a jamais varié. Sans nier l'intérêt ni la valeur des autres théâtres, je me suis toujours refusé à leur accorder l'importance que certains se plaisaient à leur donner. Ce qui ne veut pas dire que je n'ai donné aux fronts de nos alliés, et aux théâtres qui peu à peu s'ouvrirent dans la Méditerrannée orientale et en Asie, l'attention qu'ils méritaient. Qu'ils se soit agi d'aider les Anglais à rouvrir aux Dardanelles la route des Détroits, ou d'aller à Salonique au secours du vaillant peuple serbe, l'armée française a partout pris part, — et à Salonique une part prépondérante, — aux opérations extérieures. Mais, conscient de la responsabilité que j'assumais en défendant le sol de mon pays, conscient des difficultés de toutes sortes que présentaient des actions excentriques qui n'étaient séduisantes pour la plupart qu'en théorie, je me suis fait pendant les années 1915 et 1916 une règle inviolable de garder sur le théâtre principal où la partie décisive devait forcément se jouer, le maximum de moyens dont l'armée française disposait ; et j'ai, de tout mon poids, appuyé auprès de nos alliés anglais pour qu'ils gardent, à mon exemple, sur le front d'Occident, la masse principale de leurs forces.

En cette fin de 1914, l'intérêt et le devoir les plus évidents imposaient aux Anglo-Français de reprendre au plus tôt l'offensive. Il fallait, en effet, empêcher les Allemands de s'organiser en face de nous, les rejeter au plus tôt dans la guerre de rase campagne et les chasser hors des territoires français et belges qu'ils occupaient.

Mais il était non moins évident que, dans la forme de guerre que les circonstances nous imposaient, la question du matériel allait prendre une place prépondérante, hors de toute proportion avec les prévisions que l'on avait faites jusque-là.

Avant d'entamer le récit des opérations que j'ai conduites pendant cette année 1915, il me paraît indispensable de tracer un tableau de l'état de notre matériel au début de cette année, d'indiquer quelles furent mes demandes successives pour mettre ce matériel à hauteur