Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
122
mémoires du maréchal joffre

la plus avantageuse. Le ministre de la Guerre, M. Millerand, s'associa à ma manière de voir, sur les résultats à attendre d'un plan d'opérations conduisant à une action offensive à travers le territoire belge ; M. Delcassé, ministre de la Marine, se prononça avec la même fermeté en faveur de mon opinion.

Mais le président du Conseil fit alors observer que le passage de l'armée française à travers la Belgique risquerait d'indisposer non seulement l'Europe, mais les Belges eux-mêmes en raison de la difficulté de s'entendre à l'avance avec ces derniers ; dans ces conditions il paraissait nécessaire que notre entrée en territoire belge fût tout au moins justifiée par une menace positive d'invasion allemande. C'était, d'ailleurs, la crainte de l'invasion de la Belgique par l'Allemagne qui avait été la cause première des accords militaires avec l'Angleterre. Il nous faudrait donc nous assurer qu'un plan reposant sur notre entrée en Belgique ne déterminerait pas l'Angleterre à nous retirer son concours.

Puis, se plaçant au point de vue purement diplomatique, M. Poincaré déclara que l'ambassadeur d'Angleterre, dans une récente conversation, lui avait exprimé la pensée que nos accords militaires pouvaient être arrivés jusqu'aux oreilles des Allemands et leur fournir des prétextes au renforcement de leur armée de terre. Sir Francis Bertie avait aussi très nettement indiqué qu'à son avis l'entente franco-anglaise était aussi utile à son propre pays qu'à la France. A Berlin, lord Haldane avait réservé la liberté d'action de l'Angleterre pour le cas où l'Allemagne attaquerait la France. Le président du Conseil ajouta qu'il y aurait intérêt à ce que les accords militaires reçussent une consécration diplomatique.

Pour terminer, le président du Conseil m'interrogea sur les dispositions prises sur le front italien, par suite de l'accord secret de 1902.

En réponse à cette question, j'exposai que l'Italie, même si elle prenait parti contre nous dès le début de la guerre, ne pourrait tout d'abord mettre en ligne que 6 corps