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belge marchera sûrement avec les Allemands, et le gouvernement britannique pourrait être alors sommé de faire respecter la neutralité : il se trouverait ainsi dans une situation très embarassante. Il n'y a donc, concluait-il, aucun intérêt pour l'armée française à violer la première la neutralité de la Belgique. »

Cette communication était de la plus haute importance, car elle nous obligeait à renoncer définitivement à toute idée de manœuvre à priori par la Belgique.

Nous avions, en outre, à nous préoccuper de l'état d'esprit du peuple belge, au cas où sa neutralité viendrait à être violée.

Dans cet ordre d'idées, avait paru en 1911 un petit livre qui avait retenu notre attention. Il était intitulé : « La situation de la Belgique en prévision d'un conflit franco-germain. » Il était signé du pseudonyme O. Dax, sous lequel se dissimulait, paraît-il, une haute personnalité militaire. La conclusion de ce livre était la suivante :

« N'hésitons pas, le cas échéant, à diriger les événements de telle sorte que notre alliance avec le plus fort des bélligérants se puisse justifier par les faits. »

Cette conception opportuniste n'était pas pour nous surprendre. Beaucoup de bons esprit pensaient que la Belgique se bornerait au début à rassembler ses forces à l'abri de Liége et de Namur afin de se ménager la possibilité de s'unir au vainqueur.

Nous avions également cherché à connaître les dispositions prises par les Belges pour assurer la sécurité de leur front Liége-Namur, et particulièrement de ces deux places. En décembre 1911, le 2e Bureau de l'état-major de l'armée nous fit connaître que Liége était exposée à être enlevée par un coup de main, jusqu'au troisième jour de la mobilisation belge. A partir du quatrième jour, les mesures prises pour la défense de la place paraissaient suffisantes pour obliger l'ennemi à tenter une attaque brusquée. L'expérience nous avait prouvé qu'en cas de tension politique, comme en 1911, par exemple, les Belges prenaient des mesures de précaution, et renforçaient la garnison