Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/14

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
5
maœuvres de cadre en 1911

C'est ainsi que cette question fut enterrée avec la complicité, il faut le dire, de la direction de l'artillerie qui, sous prétexte de ne pas rompre l'unité de calibre, orientait ses recherches vers l'organisation d'un projectile de 75 susceptible de tirer sous de grands angles.

Mais si cette étude que j'avais entreprise n'avait pas donné de résultats au point de vue pratique, elle avait été fort utile à la préparation de mes fonctions de guerre de directeur de l'arrière. Elle avait en particulier attiré mon attention sur l'importance des transports en cours d'opérations ; j'en étais arrivé à cette conviction que dans la guerre moderne de masses le véritable instrument stratégique du général en chef devait être le chemin de fer.

Pour préciser cette question fondamentale, je profitais de toutes les occasions. En particulier, comme inspecteur d'armée, j'eus à diriger deux manœuvres de cadre, l'une en février 1911, l'autre en juin de la même année. Ces manœuvres offrent rétrospectivement un certain intérêt parce qu'elles me paraissent contenir en germe les éléments caractéristiques de la manœuvre de la Marne, c'est-à-dire la formation sur une aile extérieure de l'ennemi d'une masse d'attaque constituée par des forces prélevées à l'autre extrémité du front, transportées en chemin de fer, et utilisant pour leur débouché une place du moment.

Dans le premier exercice, le thème de la manœuvre s'inspirait de la situation de l'armée de Bourbaki pendant l'hiver 1870-71 :

Une armée transportée en chemin de fer se concentrait entre Dijon et Besançon ; en présence d'une offensive adverse analogue à celle du général Manteuffel, elle se couvrait face à la direction de Vesoul contre des forces ennemies signalées dans cette région, et fait front dans la région de Mirebeau, sa gauche près de Dijon considérée comme place du moment. En même temps, le 13e corps venait se masser dans la région de Dijon pour en déboucher dans le flanc de l'ennemi qui poursuivait son offensive vers la Saône.

Le deuxième exercice était destiné à servir de cadre