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retour de mm. poincaré et viviani

sans émouvoir la population. Elle ne revêt pas un caractère sensationnel, et n'est pas forcément suivie de mobilisation effective, ainsi que nous l'avons déjà vu, mais elle n'en est pas moins significative.

On comprend toute l'importance de ce renseignement. Ainsi donc, depuis sept jours au moins, les Allemands appliquaient leur plan de mesures en cas de tension politique, sans que nous soyons arrivés à le savoir par nos moyens normaux d'investigation. De cette manière, nos adversaires pouvaient arriver à réaliser une mobilisation presque complète, étant donné que leurs corps d'armée étaient maintenus constamment à des effectifs voisins du pied de guerre. Nous étions donc en droit de redouter que, brusquement, sans déclaration de guerre, à la faveur des discussions diplomatiques, et profitant de leur avance, ils ne réalisant un coup de vive force contre nos positions avancées. On se rappelle que cette crainte avait été pour beaucoup dans la décision prise en France, quelques mois auparavant, de renforcer la couverture.

Jusque-là, nous n'avions pris que des mesures de précaution pour ainsi dire passives. Or, maintenant, la nécessité s'imposait de mettre en place notre dispositif de couverture. Je fis valoir au ministre que la sécurité du pays nous imposait de prendre cette mesure sans retard. M. Messimy estima que nous n'avions pas encore d'indices assez nets pour motiver une telle mesure ; il pensait qu'elle serait interprétée en France et à l'étranger comme une manifestation belliqueuse susceptible d'envenimer les conversations diplomatiques ; par surcroît cette mesure lui parut si grave qu'il décida de la réserver et d'attendre, pour prendre une décision, le retour des deux présidents.

Mercredi 29 juillet. — Attendus dans la matinée du 22, M. Poincaré et M. Viviani n'arrivèrent à la gare du Nord qu'à 13h30. Ce fut au Conseil des ministres tenu à l'Élysée de 17 heures et demie à 19 heures que la question de la couverture fut examinée. Sur la proposition de M. Messimy, le gouvernement décida d'attendre encore