Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/254

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
240
mémoires du maréchal joffre

hors de pair, le général avait essentiellement le sens de la manœuvre et de l'organisation. Toutefois, lui-même concevait que les difficultés lui apparaissaient mal : "Je suis tellement optimiste, avait-il coutume de me dire, que je sais mal les prévoir." Il reconnaissait en outre qu'il avait une tendance à mal utiliser son personnel, par désir de trop bien faire, c'est-à-dire de faire tout par lui-même.

Le général Belin était absorbé par la direction et l'ajustement des nombreux et complexes services dont il assurait la conduite. Le Chef du Bureau des opérations, le colonel Pont était pour nous un auxiliaire consciencieux et dévoué ; il convenait admirablement au rôle qu'il avait à remplir, qui consistait essentiellement à traduire en ordres clairs les décisions que j'avais arrêtées.

Derrière ces chefs d'emploi, il y avait les bureaux. Et je ne saurais, sans ingratitude, omettre de rendre ici un hommange de reconnaissance aux officiers qui les composaient : ils accomplissaient une besogne ingrate et délicate, dans une atmosphère de travail et de calme absolus. Ils avaient à établir la situation constament variable de nos troupes et de l'ennemi, à organiser l'exécution des mouvements ordonnés, à transmettre les ordres en temps utile, à assurer les ravitaillements de toute nature. Ils ont été dans toute l'acception du terme de bons officiers d'état-major, c'est-à-dire les aides du commandement ; ils ont droit à la reconnaissance du pays.


Jeudi 6 août. — En arrivant à Vitry-le-François, mon premier souci fut d'éclaicir la situation en Belgique. Je décidai d'envoyer à Bruxelles un des officiers du G. Q. G., le lieutenant-colonel Brécard, avec mission d'obtenir du gouvernement royal l'autorisation pour nos troupes d'entrer en Belgique, sans toutes les restrictions qui nous étaient encore imposées ; en outre, il devait aviser le haut commandement belge que notre plan d'opérations ne pourrait être arrêté qu'après que nos renseignements sur l'ennemi seraient suffisants por pénétrer ses intentions ; de là découlait pour nous la nécessité d'avoir aussitôt que possible