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importante décision russe

de tous ses corps d'armée. Il avait même fixé au 14 août la date probable de commencement de son offensive[1].

Cette décision avait une grande importance : en effet, le 14 août était précisément la date à laquelle, d'après des calculs précis, le déploiement stratégie des Allemands sur leur base devait être terminé. Si donc, ce qui était probable, à moins d'incidents de transports, notre propre concentration était elle-même achevée à cette date, il n'y aurait pas à craindre d'être devancés par l'ennemi, et, d'autre part, le synchronisme de nos attaques avec celles des Russes serait assuré, toutes conditions éminemment favorables pour une entrée en campagne.

Toutefois, dans nos prévisions, la concentration anglaise intervenait de manière essentielle en ce qui concernait notre gauche. Or, il semblait bien que les combattants anglais ne seraient prêts à se porter en avant que vers le 21 août. Comme je désirais attaquer toutes forces réunies, c'est-à-dire, en ce qui concernait notre gauche, avec le concours des Anglais, j'étais amené, dès ce moment, à envisager un échelonnement de nos opérations dans le temps : vers le 14, action offensive de nos armées de droite et du centre ; vers le 20, mise en mouvement de nos forces d'aile gauche. A tout prendre, cette différence de date pourrait être favorable aux opérations de notre gauche, qui, dans ma pensée, devaient être les principales, car nos opérations de droite et du centre attireraient de leur côté une notable partie des forces ennemies, allégeraient la tâche de nos armées de gauche, et contribueraient peut-être à tromper l'ennemi sur nos intentions véritables.

Les renseignements reçus en Belgique paraissaient rassurants ;

  1. Le lendemain, je reçus un télégramme du Grand-Duc, où il m'exprimait sa foi absolue dans la victoire de son intention de prendre l'offensive : il me priait de dire aux commandants d'armée français qu'il ferait porter à côté de son fanion de généralissime russe le fanion français que je lui avais offert deux ans plus tôt lors des manœuvres françaises auxquelles il avait assisté. Il tenait ainsi à marquer combien nos opérations étaient liées.